Les IGG sont des anticorps qui se manifestent contre toute sorte de protéines dont alimentaires. Ils sont une réponse immunitaire de notre organisme face à des antigènes alimentaires. Toute personne libère des IGG car il y a toujours une quantité infime de macromolécules qui passe la barrière intestinale. Cela concourt à un phénomène d’immunisation naturel. Il en existe donc un pour chaque protéine alimentaire. Comme tous les aliments ont des protéines, il parait simple qu’en mesurant la quantité d’IGG de chaque aliment consommé, on puisse déterminer la virulence de la réaction immunitaire et déterminer les réactions d’intolérances alimentaires qui ne sont que des réactions immunitaires alimentaires.
A partir de ce constat, vous avez recours à ce test et miracle, le concombre, la framboise et la cardamone, le kiwi, la pomme, la cacahuète etc… sont les responsables. Vous repartez avec votre régime personnalisé assuré d’un succès programmé !
Au-delà de la quasi-probabilité d’échec de cette fausse logique implacable, le régime sévère associé a aggravé votre stress, lequel engendre avec d’autres facteurs associés une aggravation des symptômes. Pire, vous ne savez plus quoi manger et votre thérapeute a la merveilleuse idée de vous conseiller un jeûne ! Encore plus simple ne rien manger, on est sûr qu’il n’y aura plus d’intolérance alimentaire.
Doit-on accuser tous les aliments responsables de nos troubles digestifs ?
Dans son livre sur l’hyperperméabilité intestinale pour le sportif, le docteur Riché[1] a procédé à une mesure des IGG de 10 aliments usuels sur 34 sportifs de haut niveau avec troubles physiologiques évocatrices d’une hyperperméabilité intestinale et des sportifs témoins exempts de symptômes cliniques. Les IGG étaient parfois supérieures chez les « sains » que chez les malades.
Ces IGG peuvent-ils alors être les éléments clé de détermination de la cause sous-jacente du trouble digestif ? Clairement non. Ils indiquent juste une réaction immunitaire à des peptides alimentaires ayant traversé les jonctions serrées de la barrière intestinale.
Alors au lieu d’enlever la vanille, la banane et la moutarde et 46 produits du quotidien [2]et d’avoir le choix entre la cuisse de dinde avec du sel raffiné, il faut s’interroger un peu plus sur les causes de cette perturbation dans le cadre d’une approche clinique systémique.
Les tests d’intolérance alimentaires sont donc peu utiles dans la pratique et leur coût versus interprétation possible n’est absolument pas positif. Alors que faire ?
Une alternative en biologie
Le test MELISA peut être une alternative. Il s’agit d’un Test de Transformation Lymphocytaire (TTL) au cours duquel les lymphocytes mémoires sont cultivés pendant 5-6 jours en présence de l’allergène suspecté. Il est intéressant et relativement fiable[3] mais il est spécifique aux métaux et il ne concerne que le lait de vache, le gluten, les levures et les mélanges de céréales. Ce n’est pas vraiment la solution. Les IGA sécrétoires informeront sur l’état du dysfonction immunitaire intestinale, la zonuline ou les endotoxines sera un bon indicateur de la perméabilité [4], les Métabolites Organiques Urinaires (MOU) renseigneront sur une probabilité infectieuse bactérienne, fongique (candidose) ou parasitaire, les anticorps anti-transglutaminase détermineront une allergie au gluten, la calprotectine une maladie inflammatoire intestinale, les tests respiratoires au lactulose et glucose pour une présemption de SIBO[5], les acides biliaires pour évaluer la fonction hépato-biliaire… plus simplement le zinc est un marqueur simple qui peut, avec la B12, informer sur une éventuelle infection froides comme une candidose intestinale [6].
En cas de suspicion d’intolérance…
D’emblée, recadrons ce postulat. Il ne faudrait parler d’intolérance que sur la base d’une anamnèse différentiel avec l’appui de marqueur biologique spécifique à la clinique. La première question avant de soupçonner une intolérance de préférence avec l’appui d’un thérapeute spécialisé ou d’un médecin : Est-ce que c’est un problème lésionnel ou fonctionnel ? Ensuite les hypothèses sont multiples avant de supprimer les carottes ou de faire un régime sans tomates…Vous voulez tenter par vous-même alors suivez ces conseils.
Commençons par les pire, gliadine et caséine !
La gliadine est une des protéines des céréales à gluten (blé, épeautre, kamut) et la caséine une des protéines du lait, responsables de nombreux troubles immuno-inflammatoires. Leur composition protéique demande une digestion enzymatique longue avec un risque élevé de passage de dérivés peptidiques à travers la barrière intestinal. Pour 100 grammes de protéines dans notre organisme chaque jour, 80 % des peptides urinaires retrouvées sont des caséines et gliadines [7].
Les intolérances au gluten ne sont pas un effet de mode.
Les plaintes sont caractérisées par des symptômes vagues tels que « l’esprit embrumé », des maux de tête, de la fatigue, des douleurs articulaires et musculaires, des engourdissements des jambes ou des bras avec des troubles auto-immuns les plus fréquemment associés qui sont la thyroïdite de Hashimoto, la dermatite herpétiforme, le psoriasis et les maladies rhumatologiques. Ils peuvent même être associer à des maladies psychiatriques telles que la dépression, l’anxiété et la psychose ou encore il pourrait avoir un lien avec des troubles fonctionnels comme le syndrome du côlon irritable et la fibromyalgie [8].
Si vous êtes dans un de ces cas de figure, il serait de bon alloi de faire une éviction des plus grandes molécules inflammatoires sur une période de 2 à 6 mois ! et de travailler à restaurer l’intégrité du fonctionnement de l’écosystème intestinale. Pensez aussi à dépister une candidose en cas de sensibilité au gluten, il existe 50% d’homologie cellulaire entre les deux. Le système immunitaire peut les confondre facilement[9] et aucune éviction ou régime ne pourra aider à résoudre les troubles fonctionnelles inhérents.
Pour les autres intolérances possibles ou imaginaires…
Elles ne peuvent être déceler qu’en suivi thérapeutique avec la biologie associée. Vous pouvez arrêter l’abricot ou la noix de grenoble mais ce qui est sûr c’est que nous sommes tous intolérants à la malbouffe !
Sylvain Garraud
[1] Riché D (2004) : hyperperméabilité intestinale chez le sportif : mécanismes, conséquences et prises en charges nutritionnelles. NAFAS, 2 (3) : 19-27
[2] https://pages.rts.ch/emissions/abe/8316175-tests-sur-les-allergies-inutiles-ou-meme-dangereux.html
[3] Diane Wernly, Sylvain Steinmetz, Stéphane Cherix, Olivier Borens. Allergie aux implants orthopédiques : mythe ou réalité ?Rev Med Suisse 2018; volume 14. 2243-2247
[4] Genser L, Poitou C, Brot-Laroche É, Rousset M, Vaillant JC, Clément K, Thenet S and Leturque A: Alteration of intestinal permeability: The missing link between gut microbiota modifications and inflammation in obesity? Med Sci (Paris). 32:461–469. 2016.
[5] Dr méd. Martin Wilhelmia; Diana Studerus, diététicienne BSc ASDDa;
Dr méd. Mathias Doldera; Prof. Dr méd. Stephan VavrickaLa réponse aux troubles abdominaux réfractaires aux traitements? SIBO: «small intestinal bacterial overgrowth» Forum Med Suisse 2018;18(09):191-200
[6] Xie J, Zhu L, Zhu T, et al. Zinc supplementation reduces Candida infections in pediatric intensive care unit: a randomized placebo-controlled clinical trial. J Clin Biochem Nutr. 2019;64(2):170–173. doi:10.3164/jcbn.18-74
[7] Julien Venesson, comment le blé nous intoxique.
[8] Losurdo G, Principi M, Iannone A, et al. Extra-intestinal manifestations of non-celiac gluten sensitivity: An expanding paradigm. World J Gastroenterol. 2018;24(14):1521–1530. doi:10.3748/wjg.v24.i14.1521
[9] Nieuwenhuizen WF, Pieters RH, Knippels LM, Jansen MC, Koppelman SJ. Is Candida albicans a trigger in the onset of coeliac disease? Lancet. (2003) 361:2152–4. 10.1016/S0140-6736(03)13695-1