Un débat avait fait rage en début de pandémie, celui de l’emploi des compléments alimentaires anti-inflammatoires pouvant interférer avec les mécanismes de défenses anti-inflammatoires. Les Huiles essentielles en avaient été la cible faisant la une des addicts des réseaux sociaux. Il en faut peu pour affoler la toile mais les dégâts sont faits. Le doute et la peur se sont installé. Une de plus au 21 ème siècle! Le tique est le nouveau loup de nos forêts, les fraises des bois sont des poisons bien plus violents que les grosses fraises charnues de mars brillantes de perturbateur endocrinien[1] et maintenant, l’échinacée deviendra-t-elle une ennemi de l’immunité ?
Ne prenez plus vos anti-inflammatoires…
L’Anses recommande : aux personnes consommant ces compléments alimentaires dans un but préventif de suspendre immédiatement la consommation de compléments alimentaires contenant ces plantes dès l’apparition des premiers symptômes du COVID-19 ; aux personnes consommant ces compléments alimentaires dans le contexte de pathologies inflammatoires chroniques de discuter impérativement avec leur médecin de la pertinence de poursuivre ou non leur consommation [2]. Le coronavirus ne semblant pas vouloir regagner ses tropiques tant il est l’aise pour se propager dans nos sociétés mondialisés[3] et s’exprimer dans nos organismes épuisés. Tentons alors de mieux comprendre et d’évaluer ces recommandations à moyen terme.
Des AINS aux anti-inflammatoires végétaux, une extrapolation douteuse
Ces recommandations viennent de la problématique de l’utilisation des AINS dans le COVID-19. Elle n’est cependant pas nouvelle. Une autre recommandation datant de 2019 mettait aussi garde l’utilisation des AINS dans le cadre de fièvre ou d’infection bénigne en raison d’un risque de complications infectieuses graves[4]. Selon le service de pharmacologie et toxicologie des hôpitaux universitaires de Genève, les AINS pourraient augmenter la sévérité des infections virales ou bactériennes[5]. L’extrapolation aux anti-inflammatoires végétaux a été instantané.
Des molécules anti-inflammatoires enfin reconnues !
Réjouissons-nous ! Cette extrapolation est une reconnaissance claire des plantes ou substances extraites de ces plantes comme ayant des propriétés anti-inflammatoires. Personne ne pourra plus nier que le saule, la reine des prés, l’harpagophytum, le curcuma, le bouleau, le peuplier, la réglisse, la griffe du chat, la verge d’or, les polygalas, l’aunée, l’encens ou la myrrhe, pour exemple, ne sont pas des produits anti-inflammatoires. Seulement, les classer au même rang que les AINS montre l’ignorance ou la volonté d’ignorer le fonctionnement pharmacologique des produits phytothérapiques.
Une tisane de reine des près est inférieure à un dosage d’aspirine pour un nourrisson !
La teneur en principe actif d’une plante est en général très faible en comparaison de celle d’un médicament monomoléculaire. Prenons l’exemple de la reine des près et ses dérivés salicylés qui est à l’origine de la découverte de l’aspirine. Une étude de référence en pharmacologie indique qu’ 1 ml de salicylate de méthyle pur équivaut à 1,4 g d’acide acétylsalicylique. La teneur en dérivés salicylés d’une reine des près autour de 3-4 % donnerait une tisane à un dosage pharmacologique d’aspirine inférieure pour un nourrisson [6]. Pour la salicine, un extrait de l’écorce de saule qui se transforme en acide salicylique au niveau hépatique, les études utilisent 240 mg par jour bien loin des 1 à 3 grammes des salicylates de synthèse pour des effets anti-inflammatoires prouvés. Les effets anti-inflammatoires de ces deux plantes sont pourtant reconnus. La différence est surtout dans le temps de réaction et des effets secondaires moins importants[7].
Une synergie de molécule aux effets multiples
Prenons toujours l’exemple de la salicine qui n’est qu’un des principes actifs de l’écorce de saule. Ces flavonoïdes ont aussi un effet anti-inflammatoire qui complète l’effet de la salicine et expliquerait l’efficacité de la plante à si petit dosage[8]. Le principal problème des plantes au regard de l’approche médical reste leur complexité moléculaire à effets multi-cibles. Une étude de 2017 de phytomédecine démontre que des produits phytopharmaceutiques à base de salicylate provoquent des réponses pro-inflammatoires et anti-inflammatoires cellulaires qui s’adaptent aux réponses anti-inflammatoires. Elle pourrait moduler la réactivité immunologique cellulaire[9]. Cette approche multicible est un mode d’action pharmacologique particulièrement bénéfique bien connu des phytothérapeutes qui ont tous pu approuver la célèbre maxime : le tout est plus que la somme des parties [10].
La synergie phyto et/ou médicaments de synthèse pour une médecine individualisé préventive et répondant aux maladies multifactorielles
Les mécanismes combinatoires des actions des phytocomplexes sont rarement complètement comprises et pour cela redouter de la médecine conventionnelle. Pourtant, les nouvelles technologies « -omiques » utilisant des modélisations informatiques et les méthodes du « big data »[11], ouvre de nouvelles perspectives pour rationaliser la compréhension des effets des phytocomplexes en médecine[12]. Les effets de synergie de la phyto seule ou en combinaison avec des médicaments de synthèse, pourra ouvrir, à long terme, à la découverte et au développement d’interventions plus rationnelles, fondées sur des preuves, dans la prévention et le traitement des maladies multifactorielles.
Aucune raison de sacrifier nos anti-inflammatoires
En attendant cette médecine du future, il n’est pas recommandé d’arrêter son traitement inflammatoire dans le cadre d’une maladie chronique pour un simple principe de précaution d’autant que l’OMS déclare : il n’y a aucune preuve d’événements indésirables graves, d’utilisation aiguë des soins de santé, de survie à long terme ou de qualité de vie chez les patients atteints de COVID-19, résultant de l’utilisation d’AINS ! [13]
Echinacée, ne vous privez pas de ses bienfaits
L’hiver prochain, nos traditionnelles « rhumes » reviendront avec leur cortège de maux associés. Nous pourrions même être soulagés d’avoir à lutter contre un mal saisonnier et connu qui peut vous mettre sous la couette avec une recette de grog de votre grand-mère en vous accordant le droit de rien faire sans culpabilité. L’échinacée est et restera une plante reine en phytothérapie. Elle est bien plus qu’une molécule AINS avec de multiples actions de stimulation et modulation de l’expression immunitaire [14]. Prenez votre racine d’échinacée en prévention 10 jours par mois d’un EPS ou d’une teinture mère ou en traitement aigu aux dosages recommandées. En prévention d’une récidive du Covid-19, la posologie de 5 ml d’EPS 15 jours par mois ou de 2*50 gouttes par jour est valable. En cas de début d’infections, elle peut être un choix thérapeutique secondaire à associer dans le cadre d’une approche synergique et individualisé pour un traitement aigu de 3 à 5 jours[15].
A bientôt,
Sylvain Garraud
Article paru le 30 mai 2020 dans le réseau Pure santé Covid-19
[1] https://www.generations-futures.fr/publications/perturbateurs-endocriniens-dans-des-fraises/
[2] https://www.anses.fr/fr/content/l%E2%80%99anses-met-en-garde-contre-la-consommation-de-compl%C3%A9ments-alimentaires-pouvant-perturber-la
[3] https://www.lemonde.fr/planete/video/2020/04/19/pourquoi-nos-modes-de-vie-sont-a-l-origine-des-pandemies_6037078_3244.html
[4] Infections bactériennes graves (de la peau et des tissus mous, pleuro-pulmonaires, neurologiques et ORL) rapportées avec l’Iburpfène ou le Kétoprofènedans le traitement symptomatique de la fièvre ou de douleur non rhumatologique – Rapport CRPV Tours- Marseille (18/04/2019) (2276 ko)
[5] https://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/structures/coronavirus/documents/ains_et_covid-19.pdf
[6] Poukens-Renwart, P., Tits, M., Wauters, J. N., & Angenot, L.. Densitometric evaluation of spiraeoside after derivatization in flowers of Filipendula ulmaria (L.) Maxim. Journal of pharmaceutical and biomedical analysis, (1992), 10(10), 1085-1088.
[7] Beer AM, Wegener T. Willow bark extract (Salicis cortex) for gonarthrosis and coxarthrosis – Results of a cohort study with a control group. Phytomedicine. 2008 Sep 22.
[8] Nahrstedt A, Schmidt M, Jäggi R, Metz J, Khayyal MT. Willow bark extract: the contribution of polyphenols to the overall effect. Wien Med Wochenschr. 2007;157(13-14):348‐351. doi:10.1007/s10354-007-0437-3
[9] Ulrich-Merzenich G, Hartbrod F, Kelber O, Müller J, Koptina A, Zeitler H. Salicylate-based phytopharmaceuticals induce adaptive cytokine and chemokine network responses in human fibroblast cultures. Phytomedicine. 2017 Oct 15;34:202-211. doi: 10.1016/j.phymed.2017.08.002.
[10] H. Wagner, H.D. Allesscher (Eds.), Multitarget Therapy – the Future of Treatment for More than Just Functional Dyspepsia. Phytomedicine, vol 13 (2006), pp. 122-129
[11] Gertsch, J. (2011). Botanical drugs, synergy, and network pharmacology: forth and back to intelligent mixtures. Planta medica, 77(11), 1086-1098.
[12] G. Ulrich-Merzenich, D. Panek, H. Zeitler, H. Wagner, H. Vetter. New perspectives for synergy research with the “omic”-technologies. Phytomedicine, Volume 16, Issues 6–7, 2009, Pages 495-508, https://doi.org/10.1016/j.phymed.2009.04.001.
[13] https://www.who.int/news-room/commentaries/detail/the-use-of-non-steroidal-anti-inflammatory-drugs-(nsaids)-in-patients-with-covid-19
[14] Bauer R, Hoheisel O, Stuhlfauth I, Wolf H. Extract of the Echinacea purpurea herb: an allopathic phytoimmunostimulant. Wien Med Wochenschr. 1999;149(8-10):185-9.
[15] Hudson JB. Applications of the phytomedicine Echinacea purpurea (Purple Coneflower) in infectious diseases. J Biomed Biotechnol. 2012;2012:769896